Ce que me disent les chevaux…
Mon métier me permet de rencontrer bon nombre de chevaux et je pense pouvoir dire qu’à l’heure d’aujourd’hui, j’ai eu la chance de me constituer un sacré panel qui est intéressant à analyser, notamment au niveau des réponses et autres informations que j’ai pu collecter auprès d’eux lors des communications.
Je tiens à préciser que ce ne sont que des constatations suite à des réponses qui sont revenues dans les CA de manière récurrente. Chacun fait ce qu’il veut avec son cheval, de la manière qu’il le souhaite et reste juge de ce qui lui convient ou pas. Je remercie juste les gardiens qui m’ont contacté d’avoir eu la délicatesse et la bienveillance de prendre les mesures qui s’imposaient suite à mon passage dans l’unique but de rendre leur cheval le plus heureux possible suite à l’expression de leurs attentes.
Peu de monde contacte un interprète animalier quand tout va bien
Il ne faut pas se voiler la face, on m’appelle rarement quand tout va bien dans le meilleur des mondes avec son poney d’amour.
En général, j’interviens car il est compliqué pour le gardien de cerner exactement la cause d’un comportement gênant ou une dégradation des relations dans le couple humain/cheval.
A moi de creuser et de voir ce que l’animal a à me dire concernant la problématique.
Hormis un souci physique qu’un vétérinaire ou ostéo pourra régler efficacement, il apparaît souvent d’autres paramètres auxquels nous n’aurions pas pensé mais qui tombe sous le sens lorsque nous y réfléchissons un peu plus.
La première chose qui revient régulièrement est la manière dont le cheval est travaillé. Ben oui, ça se travaille un cheval non ? On effectue les exercices pour les assouplir, leur faire enchaîner des obstacles ou dérouler des reprises de dressage. Parfois, on les longe longuement avant de les monter pour qu’ils « jettent leur feu » et éviter qu’ils nous « cassent les pieds » une fois sur leur dos. Les choses ont toujours été ainsi alors pourquoi changeraient-elles ?
Au moins, nous pouvons dérouler notre plan de « travail » sans trop de difficulté et quasiment réglé à la minute près dans le planning. La séance doit durer 30 min ou 1h tout pile… parfois un peu plus si l’exercice n’a pas été correctement réussi…
Seulement voilà, je n’apprends rien à personne lorsque j’annonce que chaque cheval a sa propre personnalité et qu’il est absolument indispensable d’en prendre conscience lorsque vous les « travaillez ». Seulement, dans les faits, les choses sont tout autres et encore une fois, je ne jette pas la pierre au cavalier mais plutôt au système qui aurait tendance à nous formater dans notre manière d’aborder les séances en carrière avec les chevaux (puisque c’est l’un des thèmes principaux abordés en CA).
Je ne comprends pas, j’ai du mal avec ce cheval mais pas avec celui là… Vos chevaux ont-ils une personnalité similaire ou vous semblent-t-ils totalement à l’opposé l’un de l’autre en terme de caractère ? Votre manière d’aborder son « travail » est-elle la même avec vos deux chevaux ?
La notion de travail mis à mal par les chevaux…
Mais surtout, beaucoup de chevaux mettent le sabot sur cette notion de « travail ». Les séances, pour la plupart en selle d’après mes CA (mais qui prend réellement le temps de rester au sol pour autre chose que de la longe ? Peu de monde finalement), sont beaucoup trop sérieuses, sans but précis de leur point de vue de cheval…
Vous, vous savez que vous passez ces barres dans le but d’enchaîner mais lui ? Quel intérêt y trouve-t-il à part de respecter les ordres qu’on lui donne ? Ne pourriez-vous pas lui donner envie de les passer en s’amusant ?
Certains vont se faire remettre en place de manière virulente parce qu’ils auront osé exprimé leur désaccord avec la manière dont la séance est proposée, d’autre vont se mettre en pilotage automatique jusqu’à perdre toute envie d’aller mettre les pieds dans une carrière (mais avec un peu de chance, ils vont sûrement aimer les balades car ça les change et la variété sera présente dans leur paysage).
J’ai été cette cavalière et certains jours, je le suis encore (promis, je me soigne ^^) mais cela fait plusieurs années que mes chevaux me sortent de ces vieilles habitudes de cavalière formatée par les centres équestres. Ainsi, je ne travaille plus mes chevaux mais je joue avec eux… J’en vois certains sourire en imaginant mes chevaux courir après la baballe et ne faisant rien d’autre de son temps… Tout faux !:-)
Ils participent à la séance, comprennent bien plus souvent ce que j’attends d’eux et me propose aussi leur version de l’exercice… parfois très.. euh… particulier. Mais au moins, nous sommes deux pour de vrai de chaque côté de la longe et cerise sur le gâteau, on se marre de plus en plus. C’est comme cela que c’est censé se passer avec nos amis, non ?
Pour cela, je dois tout d’abord remercier Pat Parelli (qui ne lira jamais cet article, on est d’accord!) d’avoir été la première révélation à ce sujet (vive les horsenalities!) mais également et surtout Valérie qui est à la tête de « Juste avec mon cheval » et qui m’a ouvert les yeux sur des tas de choses ces dernières années.
Sa manière d’aborder les séances avec le cheval est juste si… logique et évidente que l’on ne peut que s’atteler à devenir un meilleur partenaire pour son compagnon à sabots. Je peux vous assurer que remplacer le mot « travail » par « jeu » a déjà un sacré impact psychologique sur nous et notre manière d’aborder les séances ! Après, il faut accepter de tout casser pour reconstruire autrement et ça, c’est autre chose.
Si l’on prend les mesures nécessaire pour effectuer les changements, votre cheval verra les séances comme quelque chose de vraiment positif et intéressant. Il traînera moins les pieds pour aller en carrière et il se pourrait même qu’il attende son nouveau pote à l’entrée du paddock en se demandant quand il va pouvoir aller s’amuser avec lui ! Pour les chevaux qui doivent vivre au box la plupart de leur temps, vous leur donnerez l’opportunité de passer un bon moment avec leur deux pattes. Ils n’auront plus – ou moins – l’impression de quitter leur chambre de 9m2 pour aller au turbin et cela changera beaucoup de choses pour eux.
Après, il est totalement envisageable que certains chevaux puissent très bien s’accommoder des techniques de dressage/travail dites classiques! Les animaux comme les humains ont des préférences dans la manière dont ils vont apprendre les choses et voir la vie.
A noter que j’ai très peu eu ce type de demandes pour des chevaux faisant énormément d’extérieur mais ce sont en général des équidés qui ne comprennent pas du tout l’intérêt de « tourner en rond » alors que l’on peut être tranquille rênes longues à regarder les petits oiseaux avec leur ami-humain.
Les chevaux… Nos meilleurs formateurs?
Deuxièmement, certains chevaux mettent en avant les nombreux schémas émotionnels et comportementaux que nous pouvons avoir. Ils nous renvoient, tel un miroir, certaines de nos qualités mais aussi nos défauts afin que nous puissions les travailler, les atténuer ou encore mieux les gérer.
Ainsi, ils peuvent demander lors d’une CA que l’on pose des limites plus nettes, que l’on soit vraiment avec eux mentalement (et pas avec nos tracas d’humain qui vont parasiter la « connexion » avec lui) ou que l’on doit travailler sur le fait que nous sommes du genre stressés ou anxieux à l’idée de faire un exercice ou une discipline en particulier.
Rien n’arrive par hasard et il est fort possible que vous rencontriez LE cheval qui vous permettra d’évoluer en tant que personne et de devenir un partenaire plus juste ou encore à emprunter une voie particulière, vous faire découvrir un autre moyen d’aborder les chevaux ou de voir le « travail » que l’on pourrait faire avec eux, même s’il est vrai qu’ils ont souvent une manière de nous faire passer les messages de manière plus ou moins… radicale. Merci les 500kg d’être ultra sensible !
Nos animaux ont tous un petit quelque chose à nous apprendre sur nous-même (mais ils sont aussi ici pour vivre leur vie d’animaux, vivre leurs expériences tout comme nous) mais je trouve que le cheval est le champion du monde en ce qui concerne le développement personnel. Sa sensibilité fait de lui un partenaire de choix pour les coaches en développement personnel autant pour son gardien que pour des employés d’une entreprise par exemple.
J’en fais d’ailleurs quotidiennement l’expérience avec ma jument qui a la fâcheuse habitude de toujours mettre le sabot là où ça fait mal… pour me faire progresser en tant que gardienne, humaine et partenaire.
C’est parfois dur à encaisser mais elle ne me laisse pas vraiment de choix à ce sujet alors j’y travaille au quotidien avec plus ou moins de réussite selon les jours. L’important étant de se mettre en action.
Elle est d’ailleurs le binôme parfait de Bérengère Leroy (Hippozen – Ecourt St Quentin) pour me guider sur cette voie si tortueuse par moment mais tellement libératrice.
Prendre en compte les besoins fondamentaux des chevaux…
Enfin, en troisièmement, il y a toutes ces petites choses du quotidien qui sont devenues banales mais qui reviennent assez souvent lors d’une CA parce qu’elles vont vraiment à l’encontre de la nature du cheval. Des chevaux qui ne traduisent pas forcement leur mal-être par une attitude particulière mais qui l’exprime lors de mon passage en espérant que les choses changent… et en général, elles le sont car les gardiens faisant la démarche d’une CA veulent vraiment le meilleur pour leur compagnon.
Cela va du cheval qui n’aime pas le paddock parce qu’il est seul, sans copain et sans foin à boulotter à celui qui se demande pourquoi on lui serre autant la muserolle en passant par celui qui n’aime pas l’obstacle mais qui le fait pour faire plaisir à son cavalier (beaucoup plus que ce que l’on croit!!)… Il y a aussi le cheval qui n’aime pas être monté parce que son débourrage lui a laissé un mauvais souvenir, celui pour qui on va trop vite (beaucoup de trotteurs de réforme dans ce cas!) ou qui demande juste à sortir 1h de plus au pré parce que le box est vraiment insupportable pour eux.
Nous sommes bien d’accord que certains chevaux ne montreront jamais aucun signe d’inconfort car ils arrivent à encaisser ou alors d’autres, avant le gardien actuel, leur a fait passer l’envie de s’exprimer mais je me dis que si les personnes ayant fait appel à moi ont reçu ce type de message de leur cheval, c’est que les choses sont justes et qu’elles peuvent changer leur manière d’aborder leur cheval et son environnement sans pour autant devoir mettre de côté leurs objectifs sportif s’il y en a (allez voir la page de Luca Moneta!), ou leur plaisir personnel de partager des moments de complicité avec eux.
Certes, cela risque de leur demander de reprendre les choses à 0, pour repartir sur des bases plus saines mais ce nouveau duo en formation gagnera en sérénité, une relation bien plus forte et plus équilibré qu’avant. Je pense sincèrement que le jeu en vaut la chandelle mais à ce niveau, ce n’est que mon avis personnel. La communication animale ne pourra pas effacer les revendications de votre animal d’un coup de baguette magique alors il faut être prêt à prendre les mesures nécessaire si nous souhaitons que les choses changent.
Pour finir, je souhaiterais remercier les chevaux d’avoir la gentillesse extrême d’encaisser certain de nos comportements, nos « anormalités équestres » tout en continuant à nous tirer vers le haut et en nous offrant leur amour au quotidien. Leur chemin à nos côtés est parfois compliqué mais ils donnent toujours le meilleur d’eux-même parce que c’est leur nature profonde d’être comme ça.